mardi 1 avril 2008

URGENCE TIBET

La répression au Tibet
Par Emile d'Albret
Lire l'article de Claude B Levenson en bas de page : Les droits des Tibétains sacrifiés sur l'autel du "miracle économique" Chinois
Avant l’invasion chinoise, le Tibet était Un pays de lait entouré d’une barrière de montagnes enneigées. Il est aujourd’hui un pays où des hommes subissent la torture et l’assassinat parce qu’ils ne veulent pas renier leur foi, leur culture et leur identité. Le Tibet est devenu l’exemple de l’exploitation méthodique d'un pays et d'un peuple par un pouvoir totalitaire et expansionniste.
Tout cela se déroule aux yeux de tous et dans une certaine indifférence générale, voire même une complaisance des grandes nations du monde qui font passer les intérêts économiques avant le respect des droits de l’homme.
Une propagande à l’œuvre dans le monde tente de dévaloriser le bouddhisme et le Dalaï-Lama. En France, sur un site anti-sectes, on peut lire une page consacrée au Bouddhisme qui voudrait faire croire que le Dalaï-Lama est « le chef d’un système religieux dont le but est de conquérir le monde » ou encore que « Le bouddhisme tibétain est centré sur la magie, la croyance aux esprits et les rituels de sacrifice dans lesquels l’invocation d’esprits impurs joue un rôle vital » et que « la " déesse protectrice personnelle " du Dalaï-Lama est un démon (nommé Palden Lhamo) dont le rôle est de détruire " les ennemis de la vraie doctrine ".
Ainsi, comme nous l’avons vu à d’autres occasions, les activistes anti-sectes sont prompts à récupérer toutes diffamations pour défendre leur lutte contre les minorités spirituelles.
Le Tibet est un symbole de l’affrontement entre le matérialisme triomphant et l’aspiration spirituelle. Nous en résumons ci-dessous les grandes lignes historiques :
Historique d’une répression
Extraits condensés de « Quel Tibet pour le XXIè siècle ? » par Olivier Masseret http://www.buddhaline.net/article.php3?id_article=410 titres modifiés.
Le 7 octobre 1950, un an après la Révolution chinoise, le président Mao Zedong lance l’Armée populaire de libération à l’assaut du Tibet oriental. Comme le proclame le titre de l’hymne national chinois, "l’Orient est rouge".
(…) Ayant vainement tenté de légitimer cette invasion par un soi-disant appel de patriotes tibétains contre l’impérialisme étranger (malheureusement, seuls six Occidentaux en tout et pour tout résidaient au Tibet !), les justifications avancées par la Chine Populaire firent état de la mission qui lui incombait de " libérer le Tibet " d’une " tyrannie féodale ".
Les motivations réelles de Mao qui, dès la Révolution, sous la double instance du nationalisme chinois et de l’idéologie communiste n’avait jamais caché son intention de " réunifier " au plus tôt le Tibet à la " Mère-patrie " étaient plus nombreuses que le simple fait impérial : il s'agissait aussi de s’assurer les richesses naturelles incommensurables du Haut pays ; d’établir un glacis protecteur au regard de l’Inde et de l’URSS ; de briser la stratégie d’encerclement de cette dernière ; de disposer du contrôle de l’espace himalayen.
A l’époque, le XIVe et actuel Dalaï-Lama est âgé de 15 ans et poursuit ses études monastiques. Il est précipitamment investi pour tenter de faire pièce à la menace grandissante et à l’impuissance du Régent et reçoit la lourde charge de diriger le pays. L’appel à l’aide qu’il lance aux Nations Unies restera sans réponse.
(…)En 1959, le 10 mars, alors que le peuple de Lhassa croit sa sécurité menacée et se porte en masse pour le protéger, il doit, au bout d’une semaine, dans une atmosphère explosive, se résoudre à quitter en secret la capitale et prendre, de nuit, un chemin qu’il ne sait pas encore être celui de l’exil. Dès les premiers bombardements sur le palais d’Été du Norbulingka où les Chinois le croient toujours, les Tibétains se soulèvent contre l’occupant. En trois jours, près dix mille d’entre eux sont tués et des milliers arrêtés. Au total près de 90.000 Tibétains vont perdre la vie dans l’année qui suivra. Une chape de plomb s’abat sur le Haut pays ; elle ne se lèvera plus.
(…)Le Dalaï-Lama établit un Gouvernement en exil, un Parlement et une Constitution démocratiques. Toutes les fonctions d’une Administration, d’abord provisoire, doivent être recréées pour subvenir aux multiples nécessités de l’exil et faire face à l’afflux considérable de Tibétains qui, s’échappant souvent au péril de leur vie de la " prison tibétaine ", veulent rejoindre Kundun (" La Présence "). (…)Un accent particulier est également mis sur la sauvegarde de la culture.(…) en plus des enfants, les moines et les nonnes - qui font, au Tibet, l’objet d’une répression très ciblée - constituent une part importante des réfugiés. Aujourd’hui, la diaspora tibétaine est estimée à 130.000 personnes, principalement établies en Inde, au Népal et au Bhoutan.
Parallèlement, le Dalaï-Lama parcourt le monde pour plaider la cause de son pays. Résolument pacifique, il ordonne dans les années 70 aux guerriers Khampas de cesser la résistance armée (…) à l’instar du Mahatma Gandhi il prône la pratique de l’ahîmsa, la non-violence, conforme aux préceptes enseignés par le Bouddha Shakyamuni et seule capable à terme, selon lui, de vaincre la haine et l’oppression.
N’exigeant pas l’indépendance, désormais irréaliste, il réclame seulement une véritable autonomie et a exposé ses propositions à Washington, en 1987, dans un Plan de paix en cinq points. En 1989 (l’année de Tienanmen), il reçoit le Prix Nobel de la paix.
Bilan de l’occupation du Tibet par la Chine
Au terme de quarante ans de mainmise absolue sur le Tibet, un bilan terrible peut être dressé de l’occupation chinoise. Dans son Rapport de décembre 1997, la Commission internationale de Juristes (Genève - ONG ayant statut consultatif auprès de l’ONU) note : " Les violations des droits de l’homme et attaques contre la culture tibétaine sont enracinées dans le déni du droit le plus fondamental du peuple tibétain - le droit à l’autodétermination. C’est dans le but d’asseoir une domination étrangère et impopulaire que la Chine s’est engagée à supprimer la dissidence nationaliste tibétaine et à neutraliser la culture tibétaine. C’est dans le but de coloniser des sujets contre leur volonté que la Chine a encouragé et facilité l’installation de Chinois à l’intérieur du Tibet, où ils ont la haute main sur la politique, la sécurité et l’économie. "
Si l’on doit donner une comptabilité des pertes en vies humaines depuis 1949, on estime à plus de 1,3 million le nombre de Tibétains (un cinquième de la population) morts directement ou indirectement du fait de l’occupation. De nombreux autres ont connu et connaissent les camps (laogaïs). La détention arbitraire est le plus souvent la règle. Certains passent plusieurs dizaines d’années en prison. Le recours à la torture y est généralisé, les mauvais traitements sont communs et les exécutions sommaires fréquentes. Le tiers des prisonniers politiques est composé de moines et de nonnes. Les libertés d’expression et de réunion n’existent pas. Manifester pacifiquement pour l’indépendance du Tibet, distribuer des tracts, arborer un drapeau tibétain, un portrait du Panchen-Lama ou du Dalaï-Lama, communiquer avec des étrangers ou avec " la clique du Dalaï " constituent des " atteintes à la sécurité de l’État " et des crimes de séparatisme " tendant à diviser la nation".
Le volet le plus directement menaçant pour l’identité tibétaine est le transfert de populations par un déversement massif de colons chinois. On estime leur nombre entre huit et neuf millions, rendant d’ores et déjà les Tibétains minoritaires dans leur propre pays. (…)
La Chine reconnaît pratiquer au Tibet, en dépit de lois officielles réputées favorables aux " minorités ", une politique coercitive de contrôle des naissances. Stérilisation imposée aux Tibétaines, avortements forcés (y compris dans des stades avancés de grossesse), meurtres de nouveau-nés sont avérés.
Déni des droits sociaux et de la liberté religieuse : dans la pratique, si des droits sociaux sont reconnus aux Tibétains (droit à l’éducation, à la santé, au logement…), le système fait qu’ils sont maintenus dans la quasi impossibilité d’y accéder pleinement. Une discrimination est très ouvertement pratiquée à leur endroit, provoquant leur marginalisation accélérée. Au demeurant, ils font l’objet d’un profond mépris et d’un racisme affiché de la part des Hans (Chinois). Quant à la liberté religieuse, selon les époques elle est, au pire interdite, au mieux une façade.
Effacement de la culture : des 6 259 monastères, fondements mêmes de l’identité et de la culture tibétaines, seuls treize survécurent à la destruction totale. Les trésors de l’art bouddhique furent pillés ou anéantis, les moines et les nonnes persécutés ou pire, l’architecture traditionnelle rasée, la langue tibétaine entravée, l’Histoire réécrite.

Brèves de France-Tibet (2004)
www.tibet.fr/nouvelles.htm
Depuis que la Chine a signé la Convention contre la torture, 84 Tibétains sont morts conséquemment à des tortures : peines de mort déguisées ? Les tortures cruelles et dégradantes des prisonniers politiques sont systématiques en Chine (coup de matraques électriques et décharges sur tout le corps, obligation de se tenir debout sur un sol gelé jusqu’à ce que la peau reste collée au sol, etc). Les prisonniers subissent de graves traumatismes psychologiques. Les femmes souffrent des formes les plus dégradantes de torture. Bastonnades impitoyables, viols et agressions sexuelles : lacération des bouts de seins, matraques électriques enfoncées dans le vagin et l’anus, enveloppement du corps par des fils électriques sous tension… sont parmi les atrocités décrites. Comme si tout cela ne suffisait pas, les prisonniers politiques sont régulièrement soumis à l'extraction obligatoire de sang, à des exercices intensifs et aux travaux forcés.
Au Tibet, détenir une photo, un livre ou une vidéo du Dalaï Lama est un “ crime ” puni d'une amende de 4 000 Yuans (500 Euros), une somme astronomique pour les Tibétains. Depuis la mise en place de la campagne anti Dalaï Lama, de nombreuses arrestations ont eu lieu au Tibet : Trois des plus grandes figures religieuses - Geshé Sonam Phuntsok (en prison pour 5 ans), Tenzin Delek Rinpoché (condamné à mort avec un sursis de 2 ans), et Khenpo Jigmé Phuntsok (décédé le 7 Janvier 2004 à 70 ans au Tibet, suite à une maladie cardiaque pour laquelle il devait être opéré dans un hôpital militaire, emprisonné et mis au secret, son monastère fut démoli après l’expulsion de 8 000 nonnes et moines) ont été prises pour cible par les autorités chinoises pour leur allégeance au Dalaï Lama.
Les Lamas ne peuvent plus réellement donner d’enseignements traditionnels du fait d’une rééducation politique qui s’est intensifiée dans tous les monastères depuis trois ans. Partout où il y a un monastère, il y a un "Chargé des affaires religieuses". La plupart des monastères tibétains sont infiltrés par des moines espions chargés de dénoncer les vrais moines. Dans ces conditions, la vie monacale et la spécificité du bouddhisme tibétain a perdu son sens. Tout est contrôlé par les Chinois, qui considèrent les monastères comme des "Unités de travail".
Les principaux monastères sont donc surmontés d’un drapeau rouge qui marque, menace, intimide et rabaisse les moines et les nonnes. On entre dans ces lieux sacrés en passant près d’une plaque dorée qui explique que l’on pénètre dans telle ou telle Unité de travail. Les moines doivent donc planter des arbres comme tout le monde, faire de l’exercice, payer des taxes et surtout obéir au parti.
Le parti communiste chinois, bien qu’athée par principe, a emprisonné Nyima, le vrai Panchen Lama, un enfant de 10 ans (le plus jeune prisonnier politique du monde), pour nommer à sa place un autre enfant tibétain qu’il contrôle.
"ILS NOUS ONT VOLE NOTRE SILENCE" (cf. le film Kundun)
La propagande et la musique chinoises braillent chaque matin les slogans du parti à travers les haut-parleurs proches des monastères. Quel réveil pour la Cité des Dieux ! Même dans les villages les plus reculés, les mêmes haut-parleurs braillent. Silence, on rééduque ! ou plutôt, on hurle encore plus fort que les cris de douleur des nonnes torturées à quelques centaines de mètres.
LA PEUR QUOTIDIENNE
Au Tibet, certains parents n’osent plus parler devant leurs enfants de sujets sensibles de peur qu’ils ne les dénoncent. Tout le monde se méfie, car il y a des espions partout et la délation est une pratique quotidienne.
UN GENOCIDE CULTUREL
Les Chinois disent qu’ils représentent 10 % de la population du Tibet. En fait, au rythme auquel arrivent les colons chinois, ils représentent déjà plus de 60 % de la population sur l’ensemble du territoire tibétain et même 80 % dans certaines régions de l’est du Tibet. Soit 99 % d’ici quatre ans.
Les écoliers tibétains sont obligés d’écrire des rédactions contre le Dalai Lama et d’apprendre le chinois comme première langue en primaire puis uniquement celle-ci dans le secondaire. S’ils n’ont pas une carte d’identité de Lhassa, ils ne peuvent pas s’inscrire dans les établissements scolaires à moins de payer ; avec de l’argent on peut tout obtenir.
Les écoliers ne peuvent plus s’habiller en costume traditionnel : ils ont des survêtements bleus et blancs.
Les jeunes écoliers dessinent d’un trait averti la calligraphie chinoise le soir à la maison. Ils savent que de leur connaissance de la langue de Mao et de leur application à reproduire les milliers de signes chinois, dépend leur avenir dans le Tibet chinois. Des centaines de jeunes Tibétains sont ainsi envoyés, chaque année, se former en Chine pendant des années à la médecine, la littérature, les langues pour les touristes. Ils reviennent avec un oeil et une oreille sinisée. Ils ne peuvent plus écrire le tibétain, ils s’expriment mieux en chinois. Qu’est-ce qui représente le plus une culture que sa langue ?
L'université est contrôlée. La télé est contrôlée. Les belles nomades de l’Amdo sont forcées de chanter en chinois. On mélange, on divise, on sème le trouble, on abrutit, on sinise. Les moines prisonniers doivent chanter l’hymne chinois chaque semaine pendant la montée du drapeau rouge. S’ils se révoltent, on les tue. Les touristes ne voient rien.
Le Tibet meurt dans l’indifférence des nations. Depuis 1995, la situation s’est aggravée. On est revenu dans ce pays à une atmosphère similaire à celle de la "révolution culturelle".
Certaines informations contenues dans ce témoignage sont livrées sans précision de lieu, ni d’identité des personnes, afin de préserver la sécurité des Tibétains impliqués.

Voici le quotidien des Tibétains : les sentences publiques, puis... les exécutions publiques. De nombreux prisonniers !!... chacun encadré par deux policiers.
C'est l'humiliation publique avant l'assignation de la peine.
Un slogan du type "Bhod Rangzen !!" (=Tibet Libre), ou une photo du Dalaï-Lama dans la poche ? Et voici la sentence: plusieurs années de prison. Si c'est une récidive, ce peut être l'exécution...
23 décembre 2005 :
LES DROITS DES TIBETAINS SACRIFIES SUR L'AUTEL DU « MIRACLE ECONOMIQUE » CHINOISDans la cacophonie des pubs à vocation festive et les cris des victimes de mille morts qui ensanglantent l'actualité, la voix d'un peuple occupé, colonisé par une dictature vivement courtisée par les néo-démocrates de tout poil a-t-elle quelque chance d'éveiller un écho ? Peut-être, envers et contre tout. Quoi qu'il en soit, la communauté tibétaine s'était donné rendez-vous à Genève à l'occasion du 10 décembre, Journée dite des droits de l'homme, pour rappeler que là-bas, au loin, là-haut sur le toit du monde, son pays et son peuple sont à l'agonie. A ses côtés était présente une délégation de l'Assemblée populaire tibétaine (parlement en exil), invitée par le Groupe parlementaire suisse pour le Tibet.Foin de la propagande chinoise persistante qui se targue de développement et d'exploits techniques pour mieux lancer de la poudre aux yeux à la galerie et aveugler ceux qui ne veulent pas voir : il est grand temps de prendre en compte le coût humain de cette croissance échevelée qui fait saliver tant de grands manitous à travers le monde. En Chine elle-même, les plus démunis sont les plus exploités, et au Tibet, c'est un pays dans son ensemble qui est voué à s'engloutir dans le magma informe d'une supposée modernisation aux dépens de ses habitants. A moins qu'un sursaut de la communauté internationale ne pousse, avant qu'il ne soit décidément trop tard, les responsables des affaires du monde à porter secours à un peuple en danger.
Illusion, dira-t-on. Peut-être, mais... mini lueur d'espoir dans un trop long tunnel : le rapporteur des Nations unies sur la torture vient de faire une première visite en Chine - promise, attendue et sans cesse reportée depuis dix ans. Manfred Nowak a donné son avis dès son retour dans un rapport à la fois mesuré et accablant. Ses escales à Pékin, Lhassa au Tibet et Urumqi au Turkestan oriental n'ont pas été sans mésaventures qu'il regrette, et il conclut de ses entretiens souvent épiés sur place que la torture reste largement répandue dans le système pénitentiaire chinois. D'où ses recommandations d'appliquer les normes internationales ratifiées par le gouvernement...Et déjà c'en est trop pour les autorités de Pékin : le porte-parole du ministère des affaires étrangères a aussitôt réagi, dénonçant les propos du rapporteur qu'il enjoint sèchement 'de corriger ses conclusions erronées' puisque 'des mécanismes sont en place pour éviter le problème'. En effet, la torture est hors la loi en Chine depuis 1996, si bien que les preuves qui en témoignent d'abondance, sans parler de la peine de mort, sont sans doute imputables à une poignée d'esprits malveillants ! Quant aux victimes de mauvais traitements - dissidents, moines et civils tibétains ou ouïghours taxés de « séparatisme », activistes et défenseurs des droits des plus pauvres, journalistes - ils n'ont qu'à s'en prendre à eux-mêmes au lieu de ternir par leurs vains propos la réputation du pays. D'ailleurs, qui à l'étranger se soucie vraiment de les écouter, voire de les entendre, tant le miroir aux alouettes du« miracle économique » brouille les sens d'émissaires prêts à toutes les compromissions pour plaire aux locataires de la Cité interdite ?Tout cynisme étalé, les autorités chinoises n'ont pas hésité à envoyer la troupe dans le grand monastère de Drépung, à l'orée de Lhassa, pour disperser une manifestation pacifique des moines. Ils étaient réunis en silence dans la cour intérieure pour protester contre l'arrestation de cinq responsables monastiques, appréhendés manu militari pour avoir refusé de signer un engagement à renier le dalaï-lama. Cela s'est passé fin novembre, dans le cadre d'une nouvelle 'campagne de rééducation' visant à mettre au pas les récalcitrants encore enclins à se croire tibétains. Comme par hasard, juste durant la visite du rapporteur de l'ONU : en a-t-il eu vent ?Et pendant ce temps, d'autres Tibétains continuent de braver les pires dangers dans l'espoir de trouver refuge loin de l'oppression chinoise. Nous en avons rencontré quelques-uns en septembre à Katmandou, avant qu'ils ne poursuivent leur chemin vers l'Inde : ayant échappé à une fusillade des garde-frontières chinois, ils ont été amenés sains et sauf au Centre d'accueil. Une vingtaine d'autres ont été arrêtés par la police népalaise fin novembre, incarcérés faute de papiers et condamnés à 11 mois de prison ou à payer chacun une amende de 120 $. Pour cette fois, ils ont été tirés d'affaire par la communauté tibétaine sur place et remis au Commissariat pour les réfugiés. Face à ces drames guère médiatisés, ne serait-ce que parce que les journalistes ne sont pas 'autorisés' à faire librement leur travail au Tibet, pas plus qu'en Chine, que pèse le refus de visa dont l'auteur de ces lignes a été récemment l'objet? Rien, sinon des regrets - et la certitude que le durcissement des autorités chinoises concernant la liberté d'expression et le respect des droits fondamentaux laisse mal augurer des promesses prodiguées à tout va pour l'horizon 2008, celui des JO tant convoités et obtenus à l'arraché grâce à des complaisances douteuses. Faudra-t-il un jour rappeler les JO de Berlin en 1936 ?Claude B. Levenson

http://www.claudelevenson.net
claudelevenson@hotmail.com
Auteur de Tibet, otage de la Chine, Ed. Ph. Picquier

URGENCE TIBET


TIBET : APPEL AU PEUPLE CHINOIS
Appel au peuple chinois de Sa Sainteté le 14ème Dalaï Lama, 28 mars 2008Je salue aujourd’hui chaleureusement mes sœurs et frères chinois du monde entier, et tout particulièrement ceux de la République populaire de Chine. A la lumière des événements survenus dernièrement au Tibet, j’aimerais vous faire part de mes réflexions sur les relations entre le peuple tibétain et le peuple chinois, et lancer à chacun d’entre vous un appel personnel.Je suis profondément attristé par les pertes de vies subies lors des derniers événements tragiques au Tibet et suis conscient que des Chinois ont également trouvé la mort. Je compatis avec les victimes et leurs familles, et je prie pour elles. Les troubles récents démontrent nettement la gravité de la situation au Tibet ainsi que l’urgence de trouver une solution pacifique et mutuellement bénéfique par le dialogue. Même dans les circonstances actuelles, j’exprime aux autorités chinoises ma volonté de travailler avec elles pour établir la paix et la stabilité.Sœurs et frères chinois, je vous assure que je ne désire nullement la séparation du Tibet. Je ne souhaite pas non plus enfoncer un coin entre Tibétains et Chinois. J’ai au contraire toujours eu à cœur de trouver une véritable solution au problème du Tibet, qui garantisse les intérêts à long terme des Chinois comme des Tibétains. Comme je l’ai maintes fois répété, mon principal souci est d’assurer la survie de la spécificité de la culture, de la langue et de l’identité du peuple tibétain. En tant que simple moine qui s’efforce d’observer chaque jour de sa vie les préceptes bouddhiques, je vous assure de la sincérité de ma motivation.J’appelle les dirigeants de la République populaire de Chine à clairement comprendre ma position et à œuvrer au règlement de ces problèmes en "recherchant la vérité dans les faits".Je presse les dirigeants chinois de faire preuve de sagesse et d’entamer un dialogue sérieux avec le peuple tibétain. Je les appelle aussi à déployer des efforts sincères pour contribuer à la stabilité et à l’harmonie de la République populaire de Chine et éviter de provoquer des tensions inter-ethniques. La couverture des derniers événements au Tibet par les médias publics chinois qui dénaturent la réalité et induisent en erreur pourrait semer des graines de tensions ethniques et avoir des conséquences imprévisibles à long terme. C’est pour moi un grave sujet de préoccupation. De même, en dépit de mon soutien répété aux Jeux olympiques de Beijing (Pékin), les autorités chinoises, dans le but de creuser un fossé entre le peuple chinois et moi-même, affirment que j’essaie de saboter les jeux. Il est toutefois encourageant pour moi de constater que plusieurs intellectuels et universitaires chinois expriment également les fortes préoccupations suscitées par les actions des dirigeants chinois et les risques pouvant en découler à long terme, notamment en matière de relations inter-ethniques.Depuis des temps anciens, Tibétains et Chinois vivent comme voisins. Durant les deux mille ans de l’histoire connue de nos peuples, nous avons parfois entretenu des relations amicales, contractant même des alliances matrimoniales, alors que d’autres fois, nous nous sommes combattus. Le bouddhisme ayant cependant fleuri en Chine avant d’arriver au Tibet par l’Inde, nous, Tibétains, avons toujours accordé aux Chinois le respect et l’affection dus aux sœurs et frères aînés en dharma. Les membres de la communauté chinoise vivant hors de Chine le savent bien et certains d’entre eux ont participé à mes conférences bouddhiques, tout comme le savent les pèlerins venant de Chine continentale que j’ai eu le privilège de rencontrer. Ces rencontres m’encouragent et je crois qu’elles peuvent contribuer à une meilleure compréhension entre nos deux peuples.Le vingtième siècle a été témoin de changements considérables dans de nombreuses parties du monde et le Tibet, lui aussi, a été entraîné dans ce mouvement. Peu après la création de la République populaire de Chine en 1949, l’Armée de libération du peuple pénétrait au Tibet, ce qui a finalement abouti à la conclusion de l’Accord en 17 points entre la Chine et le Tibet en mai 1951. Lorsque j’étais à Beijing en 1954-55, participant au Congrès national du peuple, j’ai eu l’occasion de rencontrer beaucoup de hauts dirigeants, dont le président Mao lui-même, et de nouer des liens personnels d’amitié avec eux. De fait, le président Mao m’a donné des conseils sur plusieurs questions, de même que des assurances personnelles sur l’avenir du Tibet. Encouragé par ces assurances et inspiré par la ferveur de nombreux dirigeants révolutionnaires chinois de cette époque, je suis rentré au Tibet empli de confiance et d’optimisme. Certains membres du parti communiste tibétain partageaient le même espoir. De retour à Lhassa, j’ai tout mis en œuvre pour obtenir une véritable autonomie du Tibet au sein de la famille de la République populaire de Chine (RPC). J’estimais que c’était la meilleure façon de servir les intérêts à long terme des peuples tibétain et chinois.Malheureusement, des tensions, qui ont commencé à monter au Tibet à partir de 1956 environ, ont finalement abouti au soulèvement pacifique du 10 mars 1959 à Lhassa et à ma fuite en exil. Même si nombre de changements bénéfiques se sont produits au Tibet sous le régime de la République populaire de Chine, ces changements, comme l’a souligné en janvier 1989 le précédent Panchen Lama, ont été assombris par d’immenses souffrances et des destructions à grande échelle. Les Tibétains devaient constamment vivre dans la peur, alors que le gouvernement chinois continuait de se méfier d’eux. Toutefois, au lieu de cultiver de l’animosité envers les dirigeants chinois responsables de la dure répression du peuple tibétain, je priais pour que nous devenions amis. C’est ce que j’exprimais dans ces quelques lignes d’une prière écrite en 1960, un an après mon arrivée en Inde. "Puissent-ils réaliser l’œil de la sagesse, savoir ce qui est à accomplir et ce qui est à abandonner, et demeurer dans la gloire de l’amitié et de l’amour". De nombreux Tibétains, parmi lesquels des écoliers, récitent ces lignes dans leurs prières quotidiennes.En 1974, à la suite de graves discussions avec mon cabinet, le Kashag, de même qu’avec le président et le vice-président de l’Assemblée des députés du peuple tibétain, nous avons décidé de trouver une voie médiane visant à ne pas séparer le Tibet de la Chine, mais à favoriser le développement pacifique du Tibet. Même si nous n’avions pas de contact à ce moment avec la RPC – qui se trouvait alors en pleine Révolution culturelle – nous avions déjà admis que, tôt ou tard, nous devrions résoudre la question du Tibet par voie de négociations. Nous avons également reconnu que, du moins en ce qui concerne la modernisation et le développement économique, il serait grandement bénéfique au Tibet de demeurer au sein de la RPC. Bien que le Tibet possède un héritage culturel riche et ancien, il est peu développé sur le plan matériel.Situé sur le toit du monde, le Tibet donne naissance aux plus grands fleuves d’Asie. C’est pourquoi la protection de l’environnement revêt une importance primordiale sur le Plateau tibétain. Notre préoccupation essentielle étant de sauvegarder la culture bouddhique tibétaine – enracinée dans les valeurs de la compassion universelle – tout comme la langue tibétaine et l’identité tibétaine unique, nous avons ardemment travaillé à l’obtention d’une véritable autonomie pour l’ensemble des Tibétains. La constitution de la RPC stipule que les ethnies, comme les Tibétains, jouissent de ce droit.En 1979, le dirigeant suprême de la Chine à cette époque, Deng Xiaoping, a assuré mon émissaire personnel que "hormis l’indépendance du Tibet", toutes les autres questions pouvaient être négociées. Comme nous avions déjà formulé notre approche consistant à rechercher une solution de la question tibétaine dans le cadre de la constitution de la RPC, nous nous trouvions en bonne position pour saisir cette nouvelle occasion. Mes envoyés ont rencontré à plusieurs reprises des représentants de la RPC. Depuis que nous avons renoué contact en 2002, il y a eu six rondes de discussions. Cependant, nous n’avons abouti à absolument aucun résultat concret sur la question fondamentale. Néanmoins, comme je l’ai déclaré à plusieurs reprises, je demeure fermement attaché à la Voie du milieu et je réaffirme être prêt à poursuivre le dialogue.Cette année, le peuple chinois attend avec fierté et impatience l’ouverture des Jeux olympiques. J’ai toujours soutenu l’idée que Beijing puisse accueillir les jeux. Ma position n’a pas changé. La Chine a la plus importante population du monde, une longue histoire et une civilisation extrêmement riche. Aujourd’hui, compte tenu de son impressionnant essor économique, elle émerge comme grande puissance. Il faut certainement s’en réjouir. Mais la Chine doit aussi gagner le respect et l’estime de la communauté internationale en bâtissant une société ouverte et harmonieuse, fondée sur les principes de la transparence, de la liberté et de la primauté du droit. Or, jusqu’à ce jour, les victimes de la tragédie de la place de Tiananmen, qui a bouleversé la vie de tant de citoyens chinois, n’ont reçu ni juste réparation ni réponse officielle. De même, lorsque des milliers de Chinois ordinaires des zones rurales subissent des injustices perpétrées par des fonctionnaires locaux corrompus qui les exploitent, leurs plaintes légitimes sont jetées aux oubliettes ou suscitent de violentes réactions. J’exprime ces préoccupations en tant que votre semblable, également prêt à se considérer comme membre de cette grande famille qu’est la République populaire de Chine. A cet égard, j’apprécie et soutiens la politique du président Hu Jintao visant à créer une "société harmonieuse" mais cette société ne peut s’édifier que sur la base d’une confiance mutuelle et dans un climat de liberté, dont la liberté d’expression et la primauté du droit. Je crois fermement que l’adoption de ces valeurs permettra de résoudre beaucoup de problèmes importants liés aux minorités, comme la question du Tibet, ainsi que celle du Turkestan oriental et de la Mongolie intérieure, où les autochtones ne constituent plus que 20% d’une population totale de 24 millions.J’espérais que la déclaration récente du président Hu Jintao selon laquelle la stabilité et la sécurité du Tibet concernent la stabilité et la sécurité du pays annoncerait l’avènement d’une ère nouvelle pour le règlement du problème du Tibet. Malheureusement, en dépit des efforts sincères que j’ai déployés pour ne pas séparer le Tibet de la Chine, les dirigeants de la République populaire de Chine m’accusent d’être un "séparatiste". De même, lorsque des Tibétains, à Lhassa et dans de nombreuses autres régions, ont protesté de manière spontanée pour exprimer un ressentiment profondément ancré, les autorités chinoises m’ont immédiatement accusé d’avoir orchestré ces manifestations. J’ai demandé que cette allégation fasse l’objet d’une enquête minutieuse, menée par un organe respecté.Sœurs et frères chinois – où que vous soyez – c’est empreint d’une grande inquiétude que j’en appelle à vous pour que nous puissions dissiper les malentendus entre nos deux communautés. J’en appelle aussi à vous pour que vous nous aidiez à trouver une solution pacifique et durable au problème du Tibet par le dialogue, dans un esprit de compréhension et de conciliation.Mes prières vous accompagnent.Tenzin Gyatso, Dalaï LamaLe 28 mars 2008Source : Tibet-info